Faire du temps supplémentaire au travail est souvent une nécessité pour faire avancer notre carrière ou notre entreprise. Des études ont montré que les travailleurs qui adoptent davantage de « comportements de citoyenneté organisationnelle » – c’est-à-dire des activités qui profitent à l’organisation, comme travailler après les heures normales de bureau ou pendant les vacances, assister à des activités liées au travail pendant leur temps libre, entreprendre des projets spéciaux et réorganiser leurs plans personnels en raison du travail – ont tendance à recevoir des évaluations de performance plus élevées et plus de récompenses telles que la reconnaissance publique, les augmentations de salaire, les promotions et les projets de grande envergure. Le même genre de reconnaissances s’appliquent aussi aux gestionnaires et chefs d’entreprise qui se dévouent à leur rôle. Donc, le fait d’en donner plus que ce qui est attendu dans notre poste a tendance à rapporter sur le long terme.
L’envers de la médaille est que ces comportements « d’aller au-delà du poste » peuvent aussi être stressants, éreintants et potentiellement insoutenables pour l’entourage à long terme. En effet, cette implication supplémentaire alimente grandement le conflit travail-vie personnelle et les impacts liés à cette réalité sont encore largement méconnus. Pour explorer comment les travailleurs relèvent les défis qui se posent à eux lorsqu’ils tentent d’équilibrer les responsabilités à la maison en période d’« effort supplémentaire au travail », une série d’études quantitatives et qualitatives ont été menées auprès de plus de 1 000 travailleurs basés aux États-Unis. Les résultats et scénarios s’appliquent également aux gestionnaires. Ceux-ci peuvent donc s’en inspirer pour mieux accompagner leurs équipes dans la conciliation travail-famille et prêcher par l’exemple dans l’adoption des meilleures pratiques afin de mieux vivre personnellement les périodes plus exigeantes de l’organisation.
Dans les deux premières études réalisées, des entretiens approfondis ont été menés avec près de 100 couples de travailleurs, qui ont pu partager comment ils amènent/reçoivent et traitent les demandes de travail supplémentaires. Cinq stratégies de communication distinctes ont été identifiées.
- Donner un préavis à l’avance : les travailleurs préviennent leurs partenaires à l’avance qu’ils auraient besoin d’effectuer du travail supplémentaire dans un proche avenir.
- Demander l’autorisation : les travailleurs demandent à leurs partenaires l’autorisation d’entreprendre le projet de travail supplémentaire avant de donner leur accord au bureau.
- Négocier la logistique : les travailleurs aident leurs partenaires à faire face à la charge potentielle que le travail supplémentaire pourrait créer en répondant aux besoins logistiques (par exemple, en organisant de faire garder les enfants, la livraison de repas, etc.).
- Projeter les gains : les travailleurs expliquent à leur partenaire en quoi le fait de faire un effort supplémentaire au travail aiderait leur carrière, ce qui profiterait en fin de compte à toute la famille.
- Invoquer des conversations antérieures : les travailleurs rappellent à leurs partenaires qu’ils avaient précédemment convenu qu’ils devraient parfois donner la priorité au travail et que le moment est venu de le faire.
Les chercheurs ont ensuite voulu comprendre en quoi ces stratégies de communication influencent à la fois la dynamique à la maison et l’exécution – ou non – du travail supplémentaire. Ils se sont particulièrement intéressés à la façon dont ces stratégies sont liées au conflit travail-famille.
Sans surprise, les trois premières stratégies (plus orientées vers les partenaires) sont accueillies plus positivement par les partenaires des travailleurs, et les partenaires apprécient moins les deux dernières stratégies (qui sont plus orientées vers les travailleurs). Cela a été confirmé par une expérience de suivi avec plus de 900 participants dans laquelle les chercheurs ont constaté que les gens sont plus satisfaits de la conciliation travail-famille lorsque leurs partenaires les préviennent tôt et demandent la permission avant d’exécuter un travail supplémentaire. À l’inverse, ils sont moins satisfaits lorsqu’ils invoquent des conversations antérieures envisageant la nécessité – voir l’obligation – de faire du travail supplémentaire.
Cependant, bien que la demande d’autorisation puisse être une bonne approche en ce qui concerne la satisfaction des partenaires, les chercheurs ont constaté que les travailleurs qui adoptent cette approche sont les moins susceptibles d’effectivement accomplir le travail supplémentaire demandé! Peut-être parce que l’autorisation n’est pas toujours accordée ou parce que le fait de demander dissuade les travailleurs d’assumer le travail supplémentaire. À l’inverse, ceux qui prévoient des gains et invoquent des conversations antérieures sont plus susceptibles d’aller au-delà des attentes pour leurs organisations. Peut-être parce qu’ils estimaient que les avantages de prendre en charge le travail l’emportaient sur les sacrifices faits à la maison, ou parce qu’ils estimaient qu’ils avaient déjà une autorisation tacite.
Bien sûr, de nombreux facteurs peuvent influencer à la fois la décision d’un travailleur de faire un effort supplémentaire au travail et la réaction de son partenaire à cette décision. Les chercheurs ont contrôlé bon nombre de ces facteurs dans leurs études : par exemple, ils ont contrôlé les compétences en communication, pour assurer que les résultats reflétaient l’impact de la stratégie de communication spécifique utilisée par un travailleur, et pas seulement sa capacité à communiquer en général. Et enfin, en demandant aux participants de décrire comment ils réagiraient à différentes stratégies de communication, ils ont décrit des scénarios qui étaient à la fois épuisants pour le travailleur (par exemple, rester tard au travail pour terminer une mission importante) et enrichissants (par exemple, assister à un client dîner, avec leur partenaire, dans leur restaurant préféré). Naturellement, les gens ont généralement déclaré qu’ils réagiraient plus positivement au scénario le plus enrichissant, mais leur niveau de satisfaction était toujours considérablement influencé par la stratégie de communication utilisée, quel que soit le scénario qu’ils décrivaient.
Texte traduit et adapté de “You’re Working More. Here’s How to Talk to Your Partner About It”, Mark C. Bolino, Thomas K. Kelemen, Marisa L. Flores, Ryan S. Bisel, paru dans le Harvard Business Review, 06 juillet 2022
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