La pandémie de Covid-19 nous a tous rendus vulnérables, et beaucoup d’entre nous ont du mal à garder leur santé mentale en bon état. Les diagnostics de troubles anxieux ou dépressifs ont explosé en Amérique du Nord depuis 2020 et cette tendance semble s’étendre à l’ensemble de la planète.

Ainsi, il se pourrait bien que vous ou qu’un membre de votre équipe présente des symptômes d’anxiété ou de dépression, ça ne serait pas surprenant que cette situation soit vécue dans la majorité des entreprises au cours des prochaines années.

Alors, si l’un de vos employés est aux prises avec sa santé mentale, comment en parlez-vous? Bien que vous devez être en mesure de l’accueillir dans sa détresse, ce n’est pas non plus votre travail d’être le thérapeute du bureau, et vous n’avez pas besoin d’avoir toutes les solutions lorsqu’un membre de l’équipe est en difficulté. L’idée est surtout de faire preuve d’attention dans l’engagement que nous portons envers nos équipes et de leur fournir les éléments dont ils ont besoin pour bien faire leur travail.

La bonne nouvelle est qu’il est possible de gérer des conversations sur la santé mentale sans dépasser votre expertise. Il est normal de douter de notre capacité à poser les bonnes questions ou de craindre que votre employé nous adresse des questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre, mais sans devenir un expert, vous pouvez prendre des mesures dès maintenant pour créer une culture d’entreprise où les conversations dites « vulnérables » sont acceptables, où les limites restent en place et où les gens peuvent obtenir l’aide dont ils ont besoin.

Si avoir des conversations sur la santé mentale des employés vous rend nerveux, voici trois choses à retenir :

  • Vous vous sentirez plus en confiance si vous avez dans votre poche quelques questions préparées sur la santé mentale au travail ;
  • Vous pouvez protéger vos limites et celles de votre équipe tout en ayant des discussions constructives sur la santé mentale ;
  • Votre présence est la chose la plus importante.

Soyez prêt pour les conversations vulnérables

Jen Porter, du cabinet de conseil en santé mentale à but non lucratif Mind Share Partners, affirme que tous les gestionnaires doivent se familiariser avec les bases des pratiques de confidentialité sur le lieu de travail et avoir en main une série de questions pour bien aborder les conversations sur la santé mentale.

Le conseil de Porter est d’être attentif à connaître l’impact des problèmes de santé mentale d’un employé sur sa vie professionnelle, pas la cause. Elle dit: « Vous pouvez demander tout ce que vous voulez sur l’impact de ce qui se passe sur leur travail et au travail. C’est un jeu équitable. Ce que vous ne devriez pas demander, dit-elle, c’est pourquoi l’employé a des difficultés. Éloignez-vous de « ce qui se passe à la maison, des causes profondes, des antécédents médicaux… de tout ce qui tombe dans ce camp ». C’est tout le camp des thérapeutes.

Aux États-Unis, l’Americans with Disabilities Act (ADA) propose une règle de base : vous ne pouvez pas discriminer quelqu’un en raison de sa santé. Cela signifie “vous ne pouvez pas les forcer à parler de leur santé”, note Porter. Mais vous pouvez traiter les impacts sur le travail – et l’ADA stipule également que les employeurs doivent fournir des « aménagements raisonnables » aux employés handicapés, y compris pour les troubles d’ordre mentaux.

Porter suggère de poser des questions ouvertes et de les associer à des observations sans jugement. Vous pouvez demander quelque chose comme : « Hey, j’ai remarqué que tu étais absent à nos réunions habituelles cette semaine, je voulais juste vérifier comment tu allais » ou « Tu es un chef de projet génial, mais beaucoup de choses semblent être tombées à l’eau. Je voulais juste vérifier si tu as besoin d’un soutien supplémentaire ou si tu as besoin d’avoir une conversation avec quelqu’un. » Ce sont des phrases très humaines, mais toujours portées sur le travail.

Si votre employé s’ouvre, cependant, que faites-vous? Porter dit: « Il est clair qu’ils ont trouvé que vous étiez une personne en qui ils ont confiance – bravo. » Votre travail en tant que gestionnaire consiste à écouter, puis à permettre à votre employé d’obtenir de l’aide. L’idéal est de proposer l’aide selon une approche collaborative avec l’employé pour qu’il n’ait pas l’impression que le gestionnaire se départi du sujet ou le traite comme un dossier à déléguer.

Vous pouvez dire quelque chose comme : « Si tu es d’accord, je contacterai confidentiellement les RH pour m’assurer que je t’apporte tout le soutien dont tu as besoin. Et retrouvons-nous dans une semaine. » Vous pourriez même suggérer que vous et l’employé vous rendiez au bureau des RH ou que vous vous connectiez à un groupe de ressources pour les employés en santé mentale.

S’il y a une faible confiance dans les RH au sein d’une organisation, Porter suggère de connecter un employé à des ressources locales ou à des groupes de pairs, qui ont tendance à avoir une plus grande confiance parmi les employés.

Définir et protéger les limites

Chaque fois que l’on parle de santé mentale, les limites personnelles entrent en jeu – les limites et les règles que nous nous fixons dans nos relations. Lorsque nous franchissons nos propres limites ou celles des autres, les choses peuvent être inconfortables, émotionnellement épuisantes et tout simplement inadéquates. De nombreux gestionnaires craignent de devenir la ressource incontournable de leurs employés pour les problèmes de santé mentale. Nous pouvons avoir ce malaise parce que nous savons instinctivement que nos limites seront franchies, ce qui épuisera notre propre énergie et notre humeur. Cela pourrait nous amener à éviter d’avoir des conversations vulnérables avec les membres de notre équipe.

Cependant, il existe un moyen d’avoir ces conversations et de protéger les limites, explique la psychologue clinicienne Dr Emily Anhalt. Lorsqu’il s’agit d’aborder la façon dont les gens devraient partager dans un cadre de travail, Anhalt suggère d’utiliser la « vulnérabilité limitée »: partager suffisamment avec les autres pour inviter la connexion, sans en partager tellement que vous ou votre équipe avez une gueule de bois émotionnelle.

L’idée, dit Anhalt, est qu’il y a un spectre allant du trop étroit au trop fuyant. Trop étroit, c’est quand nous ne nous laissons pas apparaître comme des humains au travail. Quand nous traversons une période vraiment difficile et que quelqu’un demande comment nous allons et nous disons “Je vais bien, tout va bien. Je ne sais pas de quoi tu parles ». Cela ne fonctionne pas bien parce que les gens sont perspicaces et peuvent avoir l’impression que nous fermons les possibilités d’une connexion authentique. Trop fuyant, c’est quand les gens évacuent tellement de leurs émotions au travail que cela place les autres dans une position d’être leur thérapeute ou de réparer quelque chose qu’ils n’ont pas la responsabilité de réparer.

Quel est le juste milieu ? Anhalt dit que la version de la vulnérabilité limitée serait que la personne dise quelque chose comme: « Pour être honnête, je traverse en fait des choses vraiment difficiles à la maison. Cela affecte définitivement la façon dont je me présente au travail. Je reçois du soutien avec ça. Mais ce que j’aimerais vraiment de votre part, si vous y êtes ouvert, c’est un peu de temps supplémentaire sur cette échéance ? Est-ce faisable ? »

En tant que gestionnaires, nous pouvons modéliser la vulnérabilité limitée. Si quelqu’un vient à nous dans une flaque d’eau, nous pouvons dire : « Je vois que tu traverses beaucoup de choses et je veux m’assurer que tu obtiennes le soutien dont tu as besoin pour cela. » Dans cette situation, nous modélisons nos propres limites tout en aidant la personne à passer aux étapes suivantes les plus appropriées. Un autre moyen de s’assurer de garder des limites et soutenir un employé est de lui proposer notre présence dans un temps structuré. Vous pouvez par exemple lui dire quelque chose comme : « Notre prochaine réunion prévue est dans cinq jours. Est-il acceptable pour toi d’attendre jusque-là pour s’en reparler ou souhaites-tu qu’on se revoit plus tôt ? » Ainsi, l’employé comprend que vous êtes là pour lui, mais dans un cadre défini.

Étant donné que les taux de maladie mentale sont si élevés et que tant de personnes ont besoin d’un soutien supplémentaire, les entreprises doivent donner aux gestionnaires le temps de répondre aux besoins accrus de leurs équipes. Il n’est pas juste de s’attendre à ce que les gestionnaires répondent aux besoins de leurs équipes sans créer d’espace pour que ces conversations aient lieu.

Être présent est la chose la plus importante

La chose la plus importante qu’un gestionnaire puisse faire pour soutenir les employés est peut-être d’être présent et d’écouter, puis de déterminer ce dont votre employé a besoin.

Vous pouvez simplement demander à votre employé s’il a besoin d’une présence, d’être orienté vers de l’aide ou encore de distraction pour lui apporter un peu de réconfort, vous n’avez pas à deviner son besoin, il peut vous le communiquer. Cette clarté sur l’attente de vos employés vis-à-vis votre soutien permet d’assurer que nous répondons correctement comme gestionnaire et permet de se libérer de la pression d’être aux devants dans le soutien. Cela permet aussi à l’employé de se pratiquer à être responsable de ses besoins, et ne vous place pas dans une position de sauveur.

Les conversations que vous avez avec vos employés sont la culture que vous créez. Le Dr Thomas Insel, ancien directeur des National Institutes of Mental Health, note que seulement 10 % des résultats en matière de santé mentale sont le résultat de soins de santé mentale cliniques. Les déterminants de la santé mentale sont plus larges et sociétaux, et nos lieux de travail sont un facteur énorme de notre santé mentale. Les lieux de travail mentalement sains veulent que les employés se sentent valorisés, entendus, influents – et qu’ils aient le contrôle de leur temps, de leur travail et de leurs décisions.

Alors, rappelez-vous : vous n’avez pas besoin d’être le thérapeute du bureau. Vous avez juste besoin d’être prêt à écouter.

Article traduit et adapté de « How to Respond When an Employee Shares a Mental Health Challenge », par Morra Aarons-Mele, paru dans le Harvard Business Review le 18 novembre 2022

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